vendredi 19 décembre 2008

Un quasi conte de no hell. Oui au début ça pourrait. Bon quand je sors du taff dimanche soir pour me précipiter à l'hôpital suite au décès de l'être cher, ça paraît pas si évident tout de suite car quand la mort frappe, tu restes un peu comme un con. Soit dit en passant, tu remarques qu'une fois de plus on profite que je ne suis pas disponible pour lâchement décéder. Quand je te dis que les morts ont pas trop de savoir-vivre.

Alors on est là, autout du lit, et il est tellement maigre que tu devines à peine son corps sous les draps. On est là à regarder nos pieds, personne ne pleure, bientôt on aura même faim. Et puis finalement, si tu réfléchis bien, mieux vaut la délivrance que la souffrance. Hein.

Et puis la vie continue dans un relais sans fin, comme c'est beau. La preuve, quelques semaines avant, j'ai acheté un bleu clair, qui devient rose quand tu lui pisses dessus (encore une histoire de parité je présume), bon j'avais des indices je te signale, même si les seins en expansion ça peut être aussi un symptôme contraire. Et donc le test s'avère positif. Là tu sautilles de joie et déjà tu dégaines les félicitations en commentaire mais calme-toi.

Le no hell, tu oublies, c'est ni la vie, ni le paradis, c'est la mort (le monde des bisounours, on n'y est pas, je te préviendrai, t'inquiète t'as le temps). Parce qu'en fait, ce dimanche où je taffe, il commence à se passer des choses qui devraient pas. Je suis évidemment inquiète des réactions de mon corps mais je ne peux m'y attarder, souviens-toi que je suis à l'hôpital et qu'on organise des obsèques. J'attends le lendemain pour consulter et le diagnostic est pessimiste. Je te passe les détails pour en arriver à la conclusion que la copie qu'on forme elle est partie avec l'eau du bain.

Oui il faut rire de tout. Par contre je nuancerais en donnant un exemple : il s'agit de choisir si on laisse le mort en chaussettes ou si on lui met ses chaussures. Et là, on me glisse à l'oreille Il lui faut des chaussures s'il veut marcher (rires). Alors d'accord qu'il faut rire de tout, à condition que ce soit drôle hein, les blagues à deux balles j'ai un blog pour ça (non mais tu pourrais démentir merde, je te fais du jeu de mots de qualité depuis le début oh). Après chacun décompresse comme il peut, je dis pas. Pendant la cérémonie, j'ai beaucoup pleuré, c'était assez troublant, un petit mélange de vrai chagrin et d'auto-apitoiement, de là à dire que je pleurais deux morts en même temps, non quand même pas, mais un double deuil oui.

Mais ça va, détends-toi (sauf si t'es à la bourre pour tes cadeaux de no hell, auquel cas crois bien que j'en ai rien à foutre. Je suis a-mère)

vendredi 12 décembre 2008

"Je suis l'ombre longue et lente..."

Mon cousin d'Amérique a débarqué, ça faisait bien vingt ans qu'on ne s'était ni vu ni parlé. Eh ben on s'est reconnu dis donc. En même temps on avait rendez-vous.

En entrée il a voulu tenter la salade landaise à base de canard ou de poulet, qu'importe, et comme il s'étonnait de la gueule du volatile, je lui ai expliqué qu'en fait ce qu'il mangeait, c'était l'inside de la bête (oui ben maintenant je sais dire gésier en anglais, merci), du coup la salade landaise, elle a fini dans mon assiette. Ce qui, franchement, est pas très très rationnel vu que juste avant il disait hum very good. Ces Américains j'te jure.

Après moultes supplications comme quoi il était totalement ridicule qu'il restât à l'hôtel alors que je lui offrais si volontiers l'hospitalité, il a fini par m'honorer de sa présence, le lendemain de ce dîner mémorable où le filet de panga, pourtant sans arête et que tu aurais donné à ton enfant sans crainte qu'il n'étouffât, le filet de panga, disais-je, lui est resté en travers de la gorge. Je commandai une bête pizza quatre fromages et il se régala.

Par ailleurs monamour (ah oui au fait on se sépare plus) et moi nous l'interrogeâmes sur son pays et quand je lui demandai comment faisaient les pauvres pour se loger, il répondit qu'ils louaient des apparts dans le genre du mien. À l'analyse il se pourrait que sa vision biaisée des pauvres soit la conséquence du montant de son salaire mensuel net, assieds-toi sur un truc solide genre en acier voilà, si si j'insiste assieds-toi, merci : il gagne dix mille dollars par mois. Bien qu'il ne l'ait pas dit, la France a dû lui apparaître comme une sorte de Roumanie façon URSS où les gens roulent dans des voitures qui ont plus de trois ans (délire !) et n'ont pas une salle de bain par chambre (ben en fait si car souvent ils n'ont qu'une chambre). Pour alimenter le cliché, figure-toi qu'il fait du surf et du snowboard et qu'il se sent plus à l'aise dans un avion que dans un train.

Mais sinon je l'aime et j'oublie pas que c'est ensemble que nous connûmes nos premiers émois sexuels, vers 6-7 ans, sur un lit de camp bancal, en plein après-midi mais on avait fermé les volets rapport à la canicule. Dans cette pénombre propice on jouait comme des enfants au papa et à la maman. Je te conseille d'ailleurs d'aller voir Sombreros de Philippe Découflé, c'est spectaculaire et en plus y a le président de Groland.

lundi 1 décembre 2008

♫ But I just keep on laughing ♫

Je viens de vivre un de mes plus beaux fous rire. Dans une réunion du genre table ronde mais avec pas beaucoup de chevaliers quand même. Disons qu'on était une douzaine. Que du passionnant, comme d'habitude.

Pour te donner une idée, des fois on parle de la mise en place d'un groupe de travail sur la gouvernance de la maison, du fait qu'on n'a pas trop la culture du séminaire par chez nous, ni de véritables instances de réflexion, et l'usage vertical de la messagerie électronique, c'est franchement critiquable. D'autres fois on rappelle que les fauteuils roulants ne peuvent pas accéder aux loges, que c'est Machin qui assure l'intérim pour les parasites et les champignons mais que par contre les mites et les souris on sait pas qui s'en occupe et t'avoueras que ça peut être préoccupant. Heureusement que le dîner des mécènes a rapporté pas loin de 300 000 euros, tu me rassures. Bref on s'éclate à Dallas.

À la fin le chef rituellement demande Vous avez d'autres points à voir ? et aujourd'hui la collègue hystérique, dont j'ai déjà dû te causer, pose une question con comme elle en pose à longueur de journée mais en général ça sort pas du bureau, ce qui fait qu'il y a encore des gens pour ignorer à quel point elle est conne mais c'est un autre débat. Le chef fronce les sourcils en signe de désarroi, je croise le regard de la collègue kabyle et là c'est parti.

Bon tu as sans doute remarqué que les fous rires n'ont pas forcément pour origine des choses drôlissimes, c'est pourquoi je ne te dirai rien de la question en question, car d'une part tu n'en connais pas la réponse et ça te ferait te sentir con et donc pas rire, et d'autre part ça n'a aucun intérêt. Tu as sans doute aussi remarqué que le fou rire, c'est communicatif et que moins t'as le droit, plus t'as envie. Par conséquent, de deux que nous étions, nous passons rapidement à quatre, qui en camouflant ses hoquets derrière une toux de saison, qui en regardant ses pieds, qui en se prenant la tête dans les mains dans l'attitude de l'intense concentration. Tout cela ne sert strictement à rien puisque les bides et les torses continuent à tressauter.

Au bout d'un moment je décide de focaliser sur le chef, qui a pris son ton le plus grave et sa gueule de méchant. Et là je me rends compte que lui aussi il est contaminé, il durcit encore ses traits mais je croise son oeil qui frise et pour moi ça repart de plus belle. Cette fois je ne regarde plus personne, trop dangereux. Et trop bon évidemment. À la sortie le chef dit qu'il va distribuer des mauvais points si ça continue, mais allez avoue, t'as kiffé petit coquin.

Ça ne vaut pas cette expo de peintres amateurs (attention, j'ai rien contre les peintres amateurs) (mais plutôt contre certaines de leurs oeuvres, ça j'ai quand même le droit) où j'étais face à un abîme de perplexité et à une toile qui, à mon sens, ne pouvait représenter qu'un trou noir...Une tâche noire étalée de façon concentrique dans un geste fougueux d'artiste inspiré, j'avais beau réfléchir, je ne voyais que le trou noir. Et la galeriste amateur, guidant quelques égarés, de dire : Oui ça lui vient comme ça, d'un coup, elle sort ça de sa tête. J'ai été obligée de sortir.

Je t'ai gardé le meilleur pour la fin. Autour de minuit, à l'époque où les communications nationales revenaient cher à certaines heures de la journée, le téléphone sonne, je sors du lit où je faisais la lecture à un cher et tendre et je décroche. Au bout du fil, un très bon ami. Fauché donc et je dirais même fauché comme...Bref tu verras. Le haut-parleur branché on s'engage dans une discussion à trois, jusqu'au moment où il demande ce que nous faisions avant qu'il appelle. Et là le cher et tendre s'écrie "Elle me lisait Quand germe le blé !" Celui-ci je peux encore en rire longtemps juste en y pensant.

Alors bon je suis d'accord, un fou rire ça ne se raconte pas, c'est visuel, ça se vit. Par contre sachant que je lisais André Gide, tu peux trouver le bon titre.