vendredi 29 avril 2011

♫ Je ne voudrais pas refaire le chemin à l'envers ♫

Un bébé, ça s'éveille chaque jour un peu plus et c'est tout à fait charmant. Après être tombée en amour du paravent de la chambre parentale (alias son confident le paravent), des spots du salon (alias ses potes les spots) et des jeux d'ombre et de lumière sur la paroi de son landau (alias mais qu'est-ce qu'elle peut bien mater avec ce regard extatique ??), mademoiselle A gratifie maintenant ses parents de grands sourires édentés.

Quand je dis "ça s'éveille", c'est aussi au sens littéral, ce qui laisse beaucoup moins de temps en journée pour vaquer. Là par exemple j'avais bien envie d'être un peu tranquille mais elle avait décidé que je devais la prendre dans mes bras tout en me déplaçant (ah ben oui, des fois tu crois que tu vas pouvoir la bercer gentiment en lisant le journal sur Internet, eh ben non, tu te bouges les fesses ok ?). Alors musique maestro je me dis tant qu'à faire. Je commence à lui chanter Du côté de chez Swann (je ne sais pas pourquoi il ne me vient que de la variété préhistorique dans ces cas-là) et réalisant que je ne connais que le refrain et que ça risque d'être un peu court jeune homme, j'envoie Deezer en suivant les paroles sur un site quelconque (karaoké fait maison). Et puis une chose en entraînant une autre, on se retrouve, moi à vocaliser sur Vanina ah ah ah, ah ah ah ah...et elle à excessivement kiffer (elle n'a apparemment pas l'oreille absolue) (ou elle aime vraiment beaucoup sa mère) (ou elle a des goûts de chiottes), du coup je me dis attends, on peut pas en rester là, on va s'envoyer du bon à un moment quand même, c'est parti pour Je t'emmène au vent. Je me donne à fond et là elle s'endort, va comprendre. Donc je la remise dans sa chambre et normalement on dispose d'une demi-heure, estimation basse.

Alors évidemment au moment où j'écris ça, je l'entends protester, j'enfourne la tétine pour faire taire la charmante enfant (qui va me laisser terminer cet article maintenant que j'ai commencé nom de dieu) et elle fait les yeux doux à son tour de lit (je crois qu'il y a quelque chose entre elle et le petit chien dans la voiture rouge).

Si tu veux bien on va parler un peu de moi maintenant. Parce que moi camarade, figure-toi que suite à la fabrication suivie de l'expulsion de mademoiselle A, je fais de la rééducation périnéale, parfaitement. Avec un représentant de la première entreprise de France, qui loin d'utiliser une sonde préfère travailler manuellement : nos séances commencent généralement par un Bonjour, ça va ? après quoi je m'allonge et sans plus de manière, l'artisan en question m'introduit deux doigts qu'il bouge avec dextérité, forcément, par ici ou bien par là selon le côté du muscle qu'il entend solliciter. Au début on se sent pas hyper à l'aise mais à force on s'habitue et finalement on y prend goût (ça t'excite hein) (alors tu te calmes parce que c'est une femme je te signale) (j'étais sûre que ça t'exciterait encore plus). C'est surtout que si je peux éviter de me pisser dessus dans quelques années, j'aime autant (la ménopause suffira, on va pas en rajouter).

L'autre jour j'en sortais en sifflotant, un peu de soulagement, un peu parce qu'il faisait beau, et je répétais dans ma tête les exercices qu'il faudrait réaliser à la maison (les portes battantes, dites aussi côté-côté, la pince de fête foraine et le pont-levis) (c'est très sexuel comme tu vois), tout en pénétrant dans le supermarché devant lequel s'activaient nos amis du samu, aux prises avec la victime d'un arrêt cardiaque. De la foule des badauds je surpris une voix pleine de regrets C'est madame Machin, on l'a bien connue, enfin on la connaît bien, ce qui laissait entendre à la fois que l'espoir de survie était mince et qu'on l'enterrait un peu vite. Plus tard, tandis que je composais mon code à l'abri des regards, la caissière se lamentait Vous vous rendez compte, elle est passée à ma caisse y a pas une demi-heure, elle était là, à votre place, ce qui cette fois me fit penser qu'aussi incroyable que ça puisse paraître, juste avant de mourir on est encore vivant. J'ai contracté le périnée pour m'en assurer. Tout allait bien.

mardi 5 avril 2011

Inactivité de plein air

Lundi 21 mars, dans un parc de l'Est parisien. Je pousse le landau quand un monsieur d'un âge certain se penche vers mademoiselle A. J'ai l'habitude. Autant quand tu prends le soleil en tenue légère, un des jeunes de la bande d'à côté vient te proposer une bière ou te demande ce que tu lis de beau, autant quand tu promènes bébé les vieux te parlent...Ce monsieur d'un âge certain équipé d'une prothèse auditive se penche donc sur le landau, classiquement le trouve si mignon (pas le landau hein) (quoique, il est pas mal dans son genre) et demande si c'est un garçon ou une fille. Puis son âge. Il s'extasie à nouveau sur le petit mammifère : Oh mais elle est encore toute petite alors ! et il termine par : Et maintenant je vous dis Mazel tov ! Je suis sûr que vous ne savez pas ce que ça veut dire Mazel tov. C'est là que l'expérience joue à plein car, pour lui faire plaisir, je feins d'ignorer le sens de cette expression qu'il se fait une joie de traduire avant que chacun poursuive sa route de son côté.

Ouvrons ici, si tu le veux bien, une parenthèse (et intitulons-la Observation du vieux en milieu urbain arboré, espace vert et paysage lacustre. Le vieux est en effet un sujet d'actualité (tu méditeras le paradoxe). Sache tout d'abord que le vieux est plus souvent une vieille, lois de l'espérance de vie obligent. Elle se déplace lentement parce qu'elle est usée, qu'elle a tout son temps et surtout parce qu'elle est à la recherche d'un banc non pas vide (ce en quoi vos aspirations divergent) mais le plus occupé possible. Attention toutefois : alors même que son chemin est jonché de bancs investis par des troupeaux de vieux, sa prédilection ira toujours vers les générations intermédiaires (à savoir toi, trop la chance) promesses d'un peu de fraîcheur dans la monotonie ambiante. La vieille se plante un moment devant toi (elle jauge ton potentiel) (tu es accompagné d'un enfant ? Ton score est multiplié par dix) avant de s'installer tout près sans respecter les distances de sécurité. Et là, contrairement aux chiens quand tu veux leur faire croire que t'as pas peur afin qu'ils oublient de te mordre, il ne faut surtout pas la regarder dans les yeux sinon c'est foutu, te voilà harponné pour une durée indéterminée, au point que tu en viens à envoyer des signaux télépathiques à mademoiselle A, qu'elle fasse diversion en se mettant à chouiner par exemple, mais tu parles, merci la collaboration. Il est hélas assez mal vu de ne pas répondre ou d'esquiver vite fait car, c'est bien connu, si tu es au parc en plein après-midi avec un enfant, c'est que tu n'as rien de mieux à foutre que de créer du lien social avec les troisième et quatrième âges. Tu devrais même t'estimer heureux et rester poli s'il te plaît. Par exemple lorsqu'une vieille dame s'exclame, tournée vers mademoiselle A : Mais qu'il est joli ce bébé ! Il est mignon tout plein tout plein ce joli bébé ! Puis vers toi : Il doit se demander qui c'est cette vieille folle qui lui parle, il est déconseillé de répondre : A vrai dire, y a pas que le bébé qui se demande. Mais fermons la parenthèse)

Lundi 4 avril. Hier quoi (non parce que du coup je suis plus trop sûre). Je pousse le landau dans ce fameux parc de l'Est parisien quand apparaît dans mon champ de vision le monsieur d'un âge certain équipé d'une prothèse auditive.
Lui : Qu'est-ce que c'est mignon les bébés ! C'est une fille ?
Moi : Oui c'est une fille.
Lui : Ah ! j'ai trouvé du premier coup !
Moi : (oui mais bon c'est un peu facile quand on sait déjà hein...) (mais admettons qu'il ait oublié) Bravo ! (il faut encourager le vieux et souligner ses réussites car trouvant satisfaction, il a tendance à te lâcher la grappe plus rapidement)
Lui : Elle a quel âge ?
Moi : (disons que la question est recevable dans la mesure où ça change tout le temps) Un peu plus d'un mois.
Lui : Oh mais elle est encore toute petite alors !
Moi : (légèrement moins que la dernière fois quoi) ...
Lui : Et maintenant je vous dis Mazel tov ! Je suis sûr que vous ne savez pas ce que ça veut dire Mazel tov.

Déjà que mes journées sont scandées par des tâches répétitives (changement de couche, tétée, mise au lit, changement de couche, tétée, tapis d'éveil, changement de couche, tétée, promenade, bain, tétée, mise au lit, j'en passe mais tu vois l'esprit), depuis ce dialogue pas vraiment inédit , je me demande si je suis pas Bill Murray dans Groundhog day...