mardi 22 septembre 2015

♫ Pass through the fire to the light ♫

Depuis que j'ai décidé de me séparer de E. en novembre dernier, ma vie sentimentale et sexuelle est égale à zéro (juste une nuit avec l'Écrivain et des petits câlins avec le charmant charmeur chilien). Il va me falloir du temps je crois. En attendant je lui écris des lettres que je ne lui envoie pas.

Printemps 2015. Sortie des classes, nous marchons et discutons de choses et d’autres quand soudain mademoiselle A. s’exclame, comme si elle redécouvrait la cachette d'un trésor : « Maman, tu te souviens de E. ?! Tu crois qu’il va venir dans la nouvelle maison ? ». Je ne sais plus quel était le sujet de la discussion qui précédait. J’aimerais connaître son cheminement, par quelle association d’idées elle en est venue à penser à toi, qu’elle n’a pas vu depuis plusieurs mois et dont je ne lui parle jamais.

Très souvent dans la rue, surtout dans le quartier latin, mais pas seulement, un peu partout, je crois te voir. Un grand mince coupé court, une silhouette qui pourrait être la tienne de loin. Mais non. Ce garçon avec un casque sur un Vélib, tendant d’abord son bras à droite pour tourner rue de la Sorbonne, puis à gauche pour indiquer qu’il va se garer, c’est toi ?

2 juillet 2015. Je n’ai pas pu m’empêcher de regarder autour de moi dans la fosse et en haut au balcon, même s’il était très peu probable que tu sois dans l’assistance. Je cherchais comment tourner le SMS que je t’enverrai après, je voulais te dire que Matthew E. White avait fait un cover du Velvet juste au moment où j’entrais dans la salle et qu’Andrew Bird était parfait. Je me suis sentie mal, j’ai dû sortir un peu avant la fin, j’ai raté le rappel que j’ai suivi depuis l’écran du bar. Après la deuxième bière j’ai oublié le SMS.

11 juillet 2015. J’ai vomi dans une voiture le 31 décembre et à une soirée d’anniversaire le 17 janvier (B. m’en parle encore). Depuis je fais très attention à ma consommation d’alcool. La soirée se passe bien, je commence au rosé-pamplemousse, j’enchaîne avec du vin rouge et je mange. Il y a ce garçon qui reste au fond près de la bibliothèque, il parle avec la maîtresse de maison, il semble ne connaître personne à part elle. Il ne danse pas vraiment, sauf au refrain où il se met à sautiller la main en l’air. Il est beau. Je sais qu’il me regarde de temps en temps. Il y a beaucoup de monde entre nous mais le rapprochement va avoir lieu sous peu. On se frôle, on s’emmêle, on s’excuse autour du buffet (il se sert du fromage, moi de la salade de fruit). Je sais qu’au prochain round on entamera la conversation. J’entrevois les possibles. Mais je m’enfuis comme une voleuse, tout me paraît trop compliqué, il est probablement un peu plus jeune que moi, probablement sans enfant, pourquoi je pense à ça, le simple fait de faire connaissance me paraît insurmontable. Je rentre seule par le dernier métro.
Évidemment je rêve de toi. Une sorte de compétition sportive, avec des épreuves successives. Il y a un contact physique entre nous, on se serre l’un contre l’autre, un moment très tendre, une douce chaleur qui persiste après le réveil. Le rêve s’achève sur l’image d’un train par lequel tu pars.

20 juillet 2015. J'ai pris quelques kilos depuis que j'ai arrêté de fumer en décembre dernier. Je décide de ne plus prendre le bus pour faire un minimum d’exercice. Comme chaque fois que j’emprunte la rue Adolphe Adam je me souviens de ce soir d'été où tu avais pissé à l’abri d’une des alvéoles.

Juillet 2015. Les premières pages de Standard de Nina Bouraoui me font penser à toi. Tu ne trouverais pas ça flatteur. Le personnage est handicapé avec les femmes et il n'aime pas leur odeur. Il ne te ressemble pas spécialement mais souvent il suffit d'un détail. Même les programmes télévisés peuvent me ramener à toi. Une diffusion de Paris Texas, un match de rugby. Il y a une émission sur les volcans samedi prochain sur Arte, je me demande si tu le sais et si ça t'a fait penser à moi.

28 juillet 2015. Rêve de fin de nuit transcrit au réveil. Tu es torse nu. Il y a un petit animal dans les parages, sans doute un chat : c'est pourquoi je te serre dans mes bras, je te dis « ne t'inquiète pas ». Tu me serres en retour pour me montrer que tu ne t'inquiètes pas et que tu t'excuses d'avoir pu paraître inquiet. Tu enfiles une chemise grise et pendant que tu ajustes le col, je peux lire sur un morceau de papier qui te sert de pense-bête « déposer chèque Espagne à son père ». Je comprends que cet été tu pars en vacances en Espagne, cela m'attriste.
Puis je te cherche, dans le noir, je ne parviens pas à allumer les lumières. Lorsque tu réapparais je te dis que je croyais qu'il n'y avait plus d'électricité. Je pensais qu'on déjeunerait à la maison mais, malgré le crustacé en train de cuire, on va au restaurant, probablement pour marquer le fait qu'on ne va pas se voir pendant longtemps. On se serre à nouveau. Beaucoup de monde au restaurant, on se dit que c'est l'heure de pointe.
Brève auto-analyse. Comme souvent dans mes rêves le chat représente mon désir, pas seulement sexuel. Mon inconscient me dit que ce que je voulais être et faire avec toi n'avait rien d'effrayant ni de monstrueux. Toujours cette interrogation : qu'est-ce que j'ai fait de mal. Réponse rassurante : rien. La symbolique « je vis dans les ténèbres lorsque tu n'es pas là » me fait rire autant qu'elle me désole, j'ai du mal avec ce qui a été interrompu, je ne trouve pas les interrupteurs, je veux rallumer la flamme...pff si j'en suis réellement là, la route est encore longue. Plusieurs éléments (chemise, pense-bête, restaurant) me font penser qu'il est aussi question de mon père dans ce rêve. Pour finir, quid de ce crustacé (beaucoup de pattes, une sorte d'araignée de mer) ?

4 août 2015. Un rêve dont il ne me reste qu'une impression un peu floue. Un sexe en érection qui pourrait être le tien. Jusqu'à quand vas-tu imprégner les personnages d'homme dont je rêve ?

Ma mère repart en Sicile en septembre. Elle aurait besoin du guide que tu avais prêté à ma sœur. Malaise quand elle se rend compte qu'il n'était pas à moi et que je n'y ai plus accès. Alors même qu'on n'a jamais vraiment parlé de toi, tu deviens un sujet tabou.

Août 2015. Je rêve de toi un jour sur deux en moyenne : tu me dis que tu m'aimes, nous avons un rapport sexuel, tu m'appelles ma puce (pour celui-là je pense que c'est lié au fait que mademoiselle A. a chopé des poux). Quand cesseras-tu de me hanter ? Je me pose cette question dans la caravane où je passe quelques jours. Et je me rends compte, en écrivant ces lignes à la rentrée, que je me la posais déjà avant de partir en vacances. On dirait bien que je stagne.

22 août 2015. Le message que tu m'as envoyé pour mon anniversaire à propos de ma nouvelle adresse : je te reconnais bien là, dans cette manie de stalker les gens. Je crois que si tu n'avais rien envoyé, j'aurais été déçue. Je prends un plaisir mauvais à ne pas te répondre. Je pleure longtemps avant de m'endormir.

9 septembre 2015. Je suis étonnée qu'il y ait autant de monde au concert de Sufjan Stevens, j'en oublie de penser à ta présence éventuelle. La nuit je rêve de ton sexe qui grossit dans ma main.

12 septembre 2015. Je pense beaucoup à ton anniversaire la semaine qui précède mais bizarrement, le jour même c'est Facebook qui me le rappelle puisque c'est aussi celui de G. Je ne t'envoie pas de message, ça ne me paraît pas avoir de sens. C'est aussi pour me prémunir contre l'espoir, plus ou moins inconscient, de renouer une quelconque forme de relation. Je sais que même un échange banal de SMS peut relancer ma machine qui a bien trop tourné à vide avant que je ne finisse par dire stop.
La nuit je rêve, pour changer, qu'on se retrouve. Je te demande : Alors quoi de neuf depuis le mois de...et on achève en cœur (en cœur ! Ah ah)...novembre. Tu réponds que tu as une voiture. Comme souvent dans ces rêves de retrouvailles, l'étreinte est douce et apaisante. Quel soulag ! Au réveil la sensation persiste et je mets un moment à prendre conscience que ce n'était qu'un rêve. Le soulag se transforme en déception jusqu'à ce que je me souvienne que l'histoire ne fonctionnait pas. Je trouve complètement dingue qu'il me faille, encore et encore, refaire ce cheminement, me convaincre, encore et encore, que ce n'était pas possible entre nous. Mais c'est dur parce que même si de façon rationnelle je pouvais voir tout ce qui n'allait pas et qui ne changerait probablement jamais, au fond de moi je n'avais tellement pas envie que ça s'arrête que j'ai dû me faire violence. Et d'une certaine façon je suis encore sous le choc. Merde alors.

22 septembre 2015. Je rêve de toi encore. Mais cette fois c'est différent, c'est un règlement de compte. J'énumère les faits, je veux comprendre, tu n'as pas été sincère et je finis par te traiter de connard. Au réveil je suis bien. Probablement parce que ce rêve m'a permis de te dire que je ne suis pas dupe, que tu m'as prise pour une conne mais que c'est toi le connard. Ah ah. On dit que la colère est une phase du deuil. J'espère.