dimanche 29 novembre 2009

"Perroquet : apéritif fait d'un mélange de pastis et de sirop de menthe"

Entre les cours dont je suis dispensée (eh ouais tu crois quoi, j'ai trop cartonné aux tests d'évaluation) et les cours que je sèche, j'ai pas mal de temps libre que je n'occupe pas seulement à tester les bars et la gastronomie locale. J'ai vu un bon paquet de films au cinéma et j'ai lu un bon paquet de bouquins. Dont un de pastiches fort réussis de neuf auteurs de best-sellers. Je t'en livre un extrait de chaque, sauras-tu les reconnaître ?

Ce 24 juillet, jour de la Saint-Tillinac, la foire aux pagnotons battait son plein dans la rue principale de Courtonac. Les hommes s'étaient lavés en l'honneur du saint patron du bourg et tous portaient un calot d'été à orfroi en plus du traditionnel tablier de beauseigne en gros lin bleu. Les femmes, toutes de paille tressée vêtues, avaient ordonné leurs cheveux en fiers chignons et riaient de bon coeur.

Un jeune homme robuste, aux cheveux noirs bouclés comme les seigles et au sourire franc comme une fontaine, tirait derrière lui un âne bâté. Tout en se frayant un passage entre les étals de marchandise, l'inconnu contemplait avec gourmandise les pains de froment luisant au grand soleil. Cela faisait plusieurs jours qu'il n'avait rien mangé et la tête lui tournait un peu.

Elle raya la ligne "fringues" sur le PostIt qu'elle avait collé dans un coin de sa mémoire et passa aux autres points stabilotés de sa job list. Régler chauffe-eau, lire horoscope, réclamer pension à l'autre con, décongeler saumon, drainer cuisses, changer photo Meetic, épiler maillot, réserver Megève, parfumer rideaux, composer bouquet, étirer lombaires, infuser thé vert...sans oublier de consacrer un quality moment aux enfants. Endless, la job list. Hopeless, sa life. L'existence lui sembla soudain si cruelle que ses yeux se gonflèrent de larmes qu'elle écrasa du coin de la langue. Ne pas craquer. Les enfants ne comprendraient pas. Allons, ma vieille, tu es une battante dans la tourmente, c'est tout.

C'est tout, mais c'est tellement beaucoup...

Le document tenait en quelques pages mais tout y était, du plus petit au plus gros composant, de la plus élémentaire à la plus complexe des opérations.

Elle fit un tirage papier qu'elle roula en cylindre dans le pied creux de son lit puis enregistra une sauvegarde du fichier en pdf sur la clé USB qui lui servait de piercing à la joue. Elle entreprit ensuite de fouiller le buffet de la cuisine. Le meuble contenait des assiettes, des verres, des couteaux, des fourchettes, des petites cuillères et des cuillères à soupe, des bols, trois casseroles, des serviettes de tables, trois nappes, des torchons de vaisselle, des torchons pour les mains, des poêles et des ustensiles de cuisine. Elle remarqua qu'il n'y avait ni raclette à fromage dans le tiroir, ni ce qu'elle cherchait. Elle reverrouilla son MacBook et s'apprêta à pénétrer à l'extérieur.

La rue Carnot à Courtonac. Quand je la descends aujourd'hui, je repense à ce qu'elle fut hier. Pourtant, hier, en la remontant, je ne pensais pas à ce qu'elle serait aujourd'hui. Si le temps a un sens, c'est donc toujours le même. Après vient toujours avant. Ensuite, il y a pendant. Enfin, il y a après. Le présent, lui, arrive plus tard. Trop pour être du passé. Pas assez pour être du futur.

Voilà ce que j'ai appris au cours de mes étés à Courtonac, à la terrasse du Café de l'Univers.


Le passé puis le présent mais jamais après le futur. Fût-il antérieur.


Mais au fait, que savons-nous du maigre ? Existe-t-il un universel du famélique ou, au contraire, des êtres qui, individuellement et singulièrement, sont grêles par nature ? Doit-on procéder par généralisations sémantiques pour parler de cachexie ou peut-on pénétrer des formes générales intangibles dont l'émaciation participerait de l'essence même, au sein d'une forme universelle, et qui ne seraient pas de simples regroupements langagiers arbitrairement regroupés par signifiants en fonction d'un consubtantiel signifié ? Autrement dit, quel est la nature ultime de la congruence secrète existant entre Françoise Hardy, Sandrine Kiberlain et une girafe ?

- Vous êtes aveugle ?

- N'est-ce pas nécessaire pour mieux voir ? De même qu'il faut être sourd pour mieux entendre, muet pour mieux chanter et manchot pour mieux toucher...


- Et cul-de-jatte pour mieux courir ?


Le vieillard dut s'asseoir sur un rocher tant il était secoué par l'hilarité.


- Tu es trop drôle, Louison. Si tu es aveugle, sourd, muet et manchot, dis-moi un peu à quoi te servirait de courir ?


- Combien valent vos images ? demandai-je pour me débarrasser de lui.


- Tu comptes trop Louison, car tu ne comptes pas assez.


- Faudrait savoir !


- Je te l'ai dit : je sais...Tu comptes les sous, les agios, les jours de RTT...mais tu ne comptes pas assez sur toi. Au lieu de compter sur ce que tu comptes, tu devrais croire à ce que tu sais.



Vous ne regrettez rien. Dans 1000 ans, on comprendra...Médiatique ? A cause des attachées de presse en petite robe noire. Bavard ? Uniquement s'il y a des micros, des caméras ou des journaux. Sinon, rideau. Et à l'Opéra : se taire. Et en dormant : silence. Intellectuel ? D'accord mais global. Inclassable ? Si vous le dites. Homme-monde ? A la rigueur. Sociétaire du Spectacle ? Définitivement ! Pour comprendre Debord de l'intérieur (mais qui se souvient que c'est vous qui l'avait lancé en 2006 ?). Bouc émissaire ? Book émissaire, plutôt.

- Bah, vos jeux de mots à la Delbourg...


- Je me suis déjà expliqué à ce sujet : les mots sont les pièces d'un jeu de l'ego. On les assemble. Clic ! On les perd, on en retrouve sous le lit. On marche dessus, pieds nus. Aïe ! Mais si on sait les assembler : alors on peut tout (dé)construire.



- Ce que je vais te dire va sûrement te sembler difficile à admettre, mais je te demande de me croire : dans le futur, tu vas me sauver la vie

- Dans le futur ? Mais quand ?


- En septembre 2001...Le 11, très précisément.


- Vous oubliez que j'aurai 80 ans en 2001 ! fit remarquer Gary.


- Et tu conduiras un autobus dans les rues de New York, compléta Madyson. Je sais que ça paraît invraisemblable, je t'avais prévenu, mais c'est comme ça...



Gary se demanda si la jeune femme se moquait de lui.

Mais bordel pourquoi aurait-elle fait tout ce voyage pour se payer sa tête ?


Madyson lui raconta alors en détails ce qui allait bientôt se passer au chapitre précédent et lui demanda de n'en parler à personne pour ne pas gâcher la surprise.



C'est vers 17h34, mais il y a comme un peu d'impatience que ce soit bientôt le soir. Ou qu'il fasse orage. Pour mystifier le temps, on a mis le rôti et les courgettes émincées dans un Tupperware au congélateur. En s'ouvrant, la porte de l'appareil à froidure a libéré ses frimas. Troublante évocation des dimanches d'hiver mouillés, des inhalations sous la serviette éponge, des décoctions aux baies de Goji, des cataplasmes. On a plongé la tête dans le rectangle froid, au plus près des cônes glacés, des sachets de girolles, des filets de colin...Sur les Forty d'Afflelou, une fine couche de bruine est venue se poser. Alors, soudain, en pleine chaleur, on a revu le monde en novembre.

Les réponses ici

dimanche 22 novembre 2009

♫ Y a des cigales dans la fourmilière, et c'est pour ça que j'espère ♫

Du côté de la vraie vie par contre c'est carrément mieux.

J'ai kiffé le ciel bleu qui m'a donné envie, en sortant de l'école, de traverser le grand parc, jaune-orange à la faveur de l'automne, (ça faisait un bail que j'avais pas vu de girafes) et de marcher longtemps en longeant les berges jusque chez moi.

J'ai kiffé le lendemain de refaire le trajet, en footing cette fois, et de constater que j'avais mis trois fois moins de temps.

J'ai kiffé de prendre une douche et de sentir mes cuisses (merde j'ai oublié les étirements), puis de ressortir au marché, toujours sous le soleil, acheter plein de légumes (je vais bouffer de la ratatouille toute la semaine).

J'ai kiffé de croquer dans le quignon prélevée sur la baguette de campagne.

Putain, c'est même pas le monde des bisounours, on se croirait carrément dans un bouquin de Philippe Delerm, là, ça craint. Attends je vais trouver autre chose.

J'ai kiffé d'être dissipée en classe (ah ben c'est le jeu, quand on t'infantilise, tu régresses volontiers à l'âge bête), j'ai kiffé que ce soit l'anarchie, que Truc sorte récupérer une impression perso dans le couloir, que Machin décroche son portable et s'absente une demi-heure, j'ai kiffé le fou rire crescendo pendant que le prof, seul avec son obsession d'énumérer toutes les combinaisons, aligne des 0 et des 1 au tableau (devine quel cours).

J'ai kiffé la soirée beaujolais, où on a rencontré les autres promos et où à la fermeture il restait cinq guerriers ; j'ai kiffé qu'on sorte des échanges guindés de l'école pour en venir à des sujets plus profonds (le cul bordel !), qu'on se donne des claques dans le dos parce qu'à 2 du mat on est tous des frères ; j'ai même kiffé la gueule de bois du lendemain quand la classe cuve et que le prof prend ça pour de la concentration.

J'appréhendais un peu cette nouvelle vie et les week-ends solitaires. Mais j'ai kiffé d'être seule, ça fait du bien, vraiment. T'sais c'est comme quand t'es célibataire, ça te met en éveil.

Je kiffe que monamour arrive mardi.

jeudi 12 novembre 2009

♫ Je n'ai pas peur de la route, faudrait voir, faut qu'on y goûte ♫

Avant de quitter la grande ville pour une ville un peu plus petite, j'ai dit au revoir aux Zamis, aux Zamours et aux Zamants, avec un grand Z de fin, quel beau symbole. En pratique j'ai fini sur les épaules de monamour pour rentrer à la maison à 6 du mat parce que là les talons j'en pouvais plus. Quand le réveil a sonné le lendemain, autant te dire que j'avais pas eu le temps de caser deux nuits en une et que j'ai lutté. Mais c'était la rentrée, j'ai vaguement dormi dans le train et après un discours de madame la directrice, on a commencé par trinquer au vin rouge histoire de pas être complètement déboussolé.

La version officielle, c'est qu'on est tous content et fier d'avoir réussi ce concours, content et fier d'être les élèves de cette école nationale supérieure, parce que c'est pas donné à tout le monde tu vois quoi. La version off tout court, c'est les cours justement. On m'avait prévenue mais tu sais bien, tant que t'as pas vu, t'y crois pas vraiment. Exemple d'un cours passionnant. Le monsieur se présente Je m'appelle Robert, j'ai participé à la rédaction de la loi Roberta, bim il envoie le power point et à la fin t'as qu'une envie, c'est lui décerner le ruban de la langue de bois et l'étrangler avec.

Mon cours préféré, j'ai oublié son nom parce que je l'ai autoritairement baptisé "Lecture du planning". On est donc tous là, en U (démocratie participative attends) et la dame, fort sympathique par ailleurs, projette le planning et nous le lit. Alors mardi matin de 9h30 à 12h, vous visiterez la bibliothèque de l'école. Youpi youpi. Et vas-y qu'elle déroule la semaine alors que, il faut le préciser au passage, ce planning elle nous l'a auparavant distribué sur papier et il est aussi consultable sur l'intranet. Mais on n'est jamais trop prudent...Et puis la journée de jeudi sera consacrée à la préparation à la prise de poste. Là tu te dis super chouette sans ironie car tu crois naïvement qu'on va enfin entrer dans le vif du sujet. Eh ben crois-moi que le jeudi en question t'es tout désappointé quand tu te rends compte que ça consiste à brasser du vent. On forme des trios et on brainstorme sur des questions aussi fondamentales que : quel professionnel souhaiterais-je être ? (ben une grosse nullasse bien sûr) ; quelle erreurs souhaiterais-je ne pas commettre ? (parce que y en a que je suis censée avoir envie de commettre ? baiser avec les collègues, ça compte ?) ; quelle serait ma devise ? mon logo ? (attends mais on monte une entreprise là ? je comprends rien).

M'en fous demain après-midi je sèche, c'est pas tout ça mais j'ai une vie je te rappelle.