mardi 5 avril 2011

Inactivité de plein air

Lundi 21 mars, dans un parc de l'Est parisien. Je pousse le landau quand un monsieur d'un âge certain se penche vers mademoiselle A. J'ai l'habitude. Autant quand tu prends le soleil en tenue légère, un des jeunes de la bande d'à côté vient te proposer une bière ou te demande ce que tu lis de beau, autant quand tu promènes bébé les vieux te parlent...Ce monsieur d'un âge certain équipé d'une prothèse auditive se penche donc sur le landau, classiquement le trouve si mignon (pas le landau hein) (quoique, il est pas mal dans son genre) et demande si c'est un garçon ou une fille. Puis son âge. Il s'extasie à nouveau sur le petit mammifère : Oh mais elle est encore toute petite alors ! et il termine par : Et maintenant je vous dis Mazel tov ! Je suis sûr que vous ne savez pas ce que ça veut dire Mazel tov. C'est là que l'expérience joue à plein car, pour lui faire plaisir, je feins d'ignorer le sens de cette expression qu'il se fait une joie de traduire avant que chacun poursuive sa route de son côté.

Ouvrons ici, si tu le veux bien, une parenthèse (et intitulons-la Observation du vieux en milieu urbain arboré, espace vert et paysage lacustre. Le vieux est en effet un sujet d'actualité (tu méditeras le paradoxe). Sache tout d'abord que le vieux est plus souvent une vieille, lois de l'espérance de vie obligent. Elle se déplace lentement parce qu'elle est usée, qu'elle a tout son temps et surtout parce qu'elle est à la recherche d'un banc non pas vide (ce en quoi vos aspirations divergent) mais le plus occupé possible. Attention toutefois : alors même que son chemin est jonché de bancs investis par des troupeaux de vieux, sa prédilection ira toujours vers les générations intermédiaires (à savoir toi, trop la chance) promesses d'un peu de fraîcheur dans la monotonie ambiante. La vieille se plante un moment devant toi (elle jauge ton potentiel) (tu es accompagné d'un enfant ? Ton score est multiplié par dix) avant de s'installer tout près sans respecter les distances de sécurité. Et là, contrairement aux chiens quand tu veux leur faire croire que t'as pas peur afin qu'ils oublient de te mordre, il ne faut surtout pas la regarder dans les yeux sinon c'est foutu, te voilà harponné pour une durée indéterminée, au point que tu en viens à envoyer des signaux télépathiques à mademoiselle A, qu'elle fasse diversion en se mettant à chouiner par exemple, mais tu parles, merci la collaboration. Il est hélas assez mal vu de ne pas répondre ou d'esquiver vite fait car, c'est bien connu, si tu es au parc en plein après-midi avec un enfant, c'est que tu n'as rien de mieux à foutre que de créer du lien social avec les troisième et quatrième âges. Tu devrais même t'estimer heureux et rester poli s'il te plaît. Par exemple lorsqu'une vieille dame s'exclame, tournée vers mademoiselle A : Mais qu'il est joli ce bébé ! Il est mignon tout plein tout plein ce joli bébé ! Puis vers toi : Il doit se demander qui c'est cette vieille folle qui lui parle, il est déconseillé de répondre : A vrai dire, y a pas que le bébé qui se demande. Mais fermons la parenthèse)

Lundi 4 avril. Hier quoi (non parce que du coup je suis plus trop sûre). Je pousse le landau dans ce fameux parc de l'Est parisien quand apparaît dans mon champ de vision le monsieur d'un âge certain équipé d'une prothèse auditive.
Lui : Qu'est-ce que c'est mignon les bébés ! C'est une fille ?
Moi : Oui c'est une fille.
Lui : Ah ! j'ai trouvé du premier coup !
Moi : (oui mais bon c'est un peu facile quand on sait déjà hein...) (mais admettons qu'il ait oublié) Bravo ! (il faut encourager le vieux et souligner ses réussites car trouvant satisfaction, il a tendance à te lâcher la grappe plus rapidement)
Lui : Elle a quel âge ?
Moi : (disons que la question est recevable dans la mesure où ça change tout le temps) Un peu plus d'un mois.
Lui : Oh mais elle est encore toute petite alors !
Moi : (légèrement moins que la dernière fois quoi) ...
Lui : Et maintenant je vous dis Mazel tov ! Je suis sûr que vous ne savez pas ce que ça veut dire Mazel tov.

Déjà que mes journées sont scandées par des tâches répétitives (changement de couche, tétée, mise au lit, changement de couche, tétée, tapis d'éveil, changement de couche, tétée, promenade, bain, tétée, mise au lit, j'en passe mais tu vois l'esprit), depuis ce dialogue pas vraiment inédit , je me demande si je suis pas Bill Murray dans Groundhog day...

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Putain, je t'aime quoi, merde. Enfin ton écriture, je veux dire. ça n'a pas changé. Ou plutôt si. En mieux. Je surmégakiffe.
N.

Anonyme a dit…

love it.

Ada a dit…

Moi aussi je vous aime