lundi 11 décembre 2006

♫ Mes bras mesurent la distance ♫

Contrairement à ce que j'ai pu imaginer, le gars à la guitare est un homme (non ça j'avais vu, merci) tout ce qu'il y a de socialement intégré, d'affectivement équilibré, de sexuellement satisfait. Tant mieux.

Dans le bar, un barman accueillant (faut faire comme chez soi) est occupé à ranger car il se fait tard ; du coup le gars à la guitare passe derrière le comptoir pour servir moultes pressions à la compagnie. Le fonds sonore est carrément exceptionnel, je veux dire c'est pas tous les jours que t'entends Johnny Thunders ♫ born to lose ! ♫

Je rencontre ses amis musiciens et comédiens (les intermittences du spectacle n'empêchent pas la permanence de l'artiste). On m'offre une rose. Il m'informe : alors lui, il fait une fixette sur les Asiates. Bon. Mais surtout sur les Japonaises. Ah, ouf. Et l'autre là, tu le rembarres d'accord ? Il faut pas lui parler, il est trop con ; tu peux coucher avec tous les autres sauf lui...Eh ben voilà des paroles qui me font rire.

Un peu plus tard, un peu plus loin, quelqu'un nous fait goûter la prune de sa grand-mère. Rapidement tout le monde est bien bourré, le gars à la guitare veut m'entraîner sur la mezzanine, mais t'es pas bien ? on est chez tes potes, souviens-toi. Bon alors on rentre. Ok. Mais tu dors chez moi. Après d'âpres négociations, je finis par m'incliner. Au réveil, les croissants c'est moi qui m'y colle. Petit déjeuner paisible. Puis je trace.

Dit comme ça, on pourrait croire que ça roule. Mmm. Sauf que non. Tu vas dire que je suis jamais contente, que je fais rien qu'à me plaindre...dis ce que tu veux, t'as encore ta liberté d'expression et de pensée, te gêne surtout pas, de toute façon je t'explique quand même.

Le coup de dormir chez lui d'abord. Depuis le départ il ne cesse de me dire que c'est très important. Et je suis bien d'accord, pourquoi tu crois que je veux pas le faire, gros malin ? Et crois-moi que ça me coûte de me rhabiller au milieu de la nuit pour traverser le boulevard et rejoindre mon lit...parfois il pleut, parfois il fait froid, parfois il fait jour...ça me coûte. Mon maître-mot c'est distance. On fait l'amour et pleins de trucs sympas et après je rentre. Bon vendredi je me suis fait avoir, comme t'as vu. Ça va que le lendemain y avait pas école (non parce que si en plus je fous en l'air mes principes de base...). Mais c'est pas près de se renouveler.

Le gars à la guitare, lui, s'escrime à me démontrer combien c'est chouette chouette chouette de dormir dans la chaleur de l'autre, de se réveiller sous ses caresses tout ça. Mais bien sûr que je le sais, eh gamin, tu crois tout de même pas que tu vas m'apprendre la vie ?

Ensuite le coup de l'intelligence. Depuis le premier soir (je croyais que ça existait pas les filles intelligentes, dérision faussement mysogine) il arrête pas de me dire que je suis trop intelligente. Alors que bon, je vois pas comment il en arrive là. Non mais sérieux hein, toi tu le sais que j'ai une intelligence hors du commun, à force, mais lui il me connaît pas tant que ça.

Et je ne peux pas croire que ça s'origine dans le fait que, alors que sa télé me demande Quel adjectif désigne ce qui se trouve au bord d'un lac, il m'entende, du fond de sa baignoire, répondre lacustre (oui je parle à la télé. Et j'aime regarder les pubs. Mais j'ai pas de télé, c'est pour ça aussi)...non je ne peux m'y résoudre (bon ben reprends la phrase du début, moi j'ai pas le temps). Et puis merde il est pas spécialement con non plus, y a qu' voir sa culture de grand voyageur, sans compter la générale dont il est plutôt bien pourvu.

Je te passe les réflexion sur mes divers attraits physiques sinon on s'en sort plus (y en a trop) (l'humilité est ma principale qualité. Après la modestie) (il fallait que ce soit dit).

Donc j'en déduis qu'il est amoureux. En même temps j'ai pas grand mérite, vu que ça aussi il arrête pas de le dire. Et non seulement il est amoureux, mais il voudrait que ce soit réciproque...j'te jure, les hommes ont de ces exigences de nos jours. Comme si la volonté avait quelque chose à voir là-dedans. Alors moi je maintiens la distance, toujours, qu'il s'emballe pas trop quand même, puisqu'il y a peu de chance que je monte en puissance. On s'amuse bien et tout mais je suis pas amoureuse. Je vais pas m'excuser non plus !? Et la théorie du Tu te blindes trop, non, pas en l'occurrence, fais-moi confiance.

Forcément quand le charmant charmeur chilien me réveille vers 14h dimance, j'accepte son invitation à déjeuner. Et bien m'en prend car, juste derrière, ex-monamour appelle...Trop tard, je suis déjà prise. C'est mon docteur qui va être content. Le charmant me reproche de pas lui donner de nouvelles. C'est vrai, je prends jamais l'initiative. Ensuite on continue le dialogue à haute teneur symbolique :

Lui : Ah une petite BD sous la couette, le bonheur...

Moi : Je sais pas quoi en penser de cette BD. Le dessin est pas terrible, les dialogues non plus, mais le scénario assure. Ils auraient dû en faire un film...

Plus tard, alors que je finis par me dégager de ses bras (oui parce qu'au bout d'un moment ça file des crampes) (après l'avoir tirée) (t'ai-je dit que l'analyste me trouve si-nique en ce moment ?) il dit :

Bon ok reprends ton indépendance. Mais t'éloigne pas trop quand même.

Tout est là. Trouver la bonne distance.

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