J'ai qu'une parole, c'est pas à toi que je vais l'apprendre hein...alors je la tiens (non. Elle est imberbe. Commence pas, veux-tu) et je contacte qui tu sais.
J'arrive d'un apéritif dînatoire avec mes amis, désolés de mon abandon (ouais parce que mes amis, quand je suis pas là, ils s'ennuient profondément, un seul être vous manque et tout est dépeuplé, je suis indispensable et irremplaçable) (mais sinon ça va), ils s'accrochent à ma jambe avec force supplications...j'ai bien du mal à m'en défaire, mais comme ce qu'ils veulent c'est mon bonheur, ils finissent par se sacrifier (en fait ils s'immolent par le feu, tout simplement). Sur la route je me demande si je vais le reconnaître. Je me souviens qu'il est grand et mince.
L'ivrogne de permanence (y en a plusieurs, mais disons : celui qui nous est assigné) nous interrompt jusqu'à ce que je lui dise : tu nous excuses mais on est en train de se marier, faut pas nous déranger. Il ouvre des yeux ronds et contrits (pas facile, essaye pour voir) et se replie aussitôt vers le comptoir. Le reste du temps, il m'envoie, à intervalles réguliers, les regards de celui qui a compris qu'il se trame quelque chose de la plus haute importance, hors de portée de ses compétences...
Je savais pas trop comment le nommer. Finalement ça s'impose. Quand je l'interroge sur ce qu'il fait dans la vie, à part porter une guitare sur son dos, il répond : justement, ça, porter une guitare sur mon dos. Il est roadie quoi. Mais plus dans le cinéma. Intermittent du spectacle, voilà...
Je dors une bonne partie de la journée, réveillée en alternance par l'emménagement des nouveaux voisins et un ou deux SMS du gars à la guitare. Je le retrouve chez lui. Il me fait rire. Par exemple quand j'envoie : tu veux que j'amène un truc spécial pour l'apéro ? et que je reçois : du pain. Et l'apéro, ben moi ça me fait rire. Non mais moi aussi je le fais rire, je suis drôle je te rappelle. Il me montre ses photos de Bornéo, je choisis des bouquins dans sa bibliothèque, on projette d'aller au cinéma.
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