vendredi 5 mai 2006

Trouvez l'intrus

Date : jeudi 4 mai 2006, 18h20

Lieu : Paris, angle de l'avenue Ledru-Rollin et de la rue du Faubourg-Saint-Antoine

Protagonistes : un automobiliste, un policier, un scootériste et sa passagère

Scène observée :

Un automobiliste costumé-cravaté, au volant d'une Peugeot 307 verte rutilante, conduit d'une main et téléphone de l'autre. Il est arrêté par un policier en uniforme qui lui demande ses papiers. Témoins de la scène, un scootériste d'une trentaine d'années, vêtu d'un bermuda et d'un tee-shirt usé, ainsi que sa passagère, en short et débardeur (non c'est pas moi, moi j'étais sur le trottoir), tous deux dûment casqués, doublent le véhicule. Au passage le scootériste lance : Et en plus pas de ceinture ! aha ha !

Analyse :

Ma première réaction a été une réaction d'empathie envers l'automobiliste. Être pris en flag, c'est toujours désagréable, mais si en plus un inconnu vient se mêler de ce qui ne le regarde pas pour faire monter l'addition, ça devient énervant. Connard, j't'ai demandé comment allait ta mère ?, aurais-je pensé à sa place (enfin pas exactement mais je m'comprends).

Idem pour le policier (avec moins d'empathie tout de même) qui a pu se dire : C'est moi qui relève les infractions, c'est moi qui verbalise, c'est moi qui fait preuve ou non d'indulgence...

Reste la possibilité que, obnubilé par le téléphone portable, il n'ait pas observé l'absence de port de ceinture auquel cas il a pu remercier intérieurement l'inconnu au scooter.

Alors pourquoi cette délation moqueuse ?

J'ai plusieurs hypothèses non exclusives :


  1. l'automobiliste au téléphone conduisait négligemment et a pu mettre en danger le scootériste, d'où la colère de celui-ci. Éternel combat des fragiles deux-roues.


  2. la vue de l'uniforme a déclenché chez le scootériste un sentiment de peur suivi de soulagement - ouf c'est pas moi qu'on arrête. Je rappelle qu'il était casqué et donc apparemment pas en infraction, mais peut-être avait-il autre chose à se reprocher. Ces émotions fortes se sont exprimées sous une forme intrusive et sadique. Ou alors, il n'avait effectivement rien à se reprocher et souffrait du syndrôme du bon élève fayot.


  3. influencé par l'actuelle campagne gouvernementale sur la sécurité routière, le scootériste a pensé faire un acte civique (commence par aller voter, on discute après). c'était une tentative de séduction de sa passagère en usant d'humour noir et d'effronterie. Trop rebelle quoi.


  4. effet de la lutte des classes, de l'inégale répartition des richesses ? Scooter contre véhicule flambant neuf...Vieilles fringues contre costume...Jeunes en galère contre cadre dynamique...La haine ancestrale (et réciproque ?) des pauvres contre les nantis s'est-elle ici illustrée sous les couleurs d'un exutoire vengeur ?
(toi aussi amuse-toi à analyser des scènes de la vie quotidienne. Le monde te paraîtra plus riche et les gens plus proches. Allez...en route pour l'aventure !)

(Je suis sérieuse. Non mais.)

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