vendredi 28 septembre 2007

Dernière station avant l'autoroute

Elle est scotchée à l'écran, ses yeux vitreux lui sortent de la tête qu'elle tient mollement d'une main et moi, pendant ce temps, je vais en profiter pour te lancer un SOS. Parce que là j'en peux plus.

Y a déjà pas mal de temps, j'ai failli publier ce qui précède. Mais évidemment j'ai été interrompue, comme d'habitude. Interrompue par des gémissements, des larmes, des cris et de la morve, non mais je sais pas mouche-toi dans ta manche au moins.

Je croyais même ne plus avoir de compassion. Je me suis blindée comme jamais. Dès qu'elle ouvrait la bouche, je fermais les oreilles. J'acquiesçais (putain il est pas facile à écrire celui-là) vaguement, mmm mmm, je fuyais du regard, j'avais juste envie de lui dire de la boucler.

Non parce qu'au début, c'est vrai, ça fait de la peine. T'arrives au taff, t'as ta collègue kabyle aux tendances suicidaires mondialement reconnues, bon t'essayes d'assurer. Déjà je lui ai sauvé la vie, si on peut dire. J'étais pas obligée je te signale. Je veux dire j'aurais pu choisir de culpabiliser jusqu'à la fin de mes jours. J'aurais très bien pu. Il se trouve que j'ai pas fait dans l'originalité. C'est mon choix. Par contre, là, y a peu, elle m'aurait dit je vais me suicider, j'aurais répondu Ah ben si t'as besoin d'un coup de main, tu peux compter sur moi. Pour te dire à quel point j'en étais arrivée.

Mais bon, au début, tu t'investis, tu racontes des blagues et tout. Quand ça commence à sentir l'alcool dans le bureau, t'as peine à y croire, Oh ben non tu te fais des films arrête...Alors tu te voiles la face, dis donc ils utilisent des détergents vachement parfumés les gens du ménage. Puis quand elle passe son temps à ronfler dans le placard, tu te marres ok, mais tu commences aussi à soupçonner l'embrouille. Soi-disant qu'elle a des migraines. Des gueules de bois ouais.

Après tu trouves des bouteilles de sky sur ta chaise, environ une fois par semaine. Cadeau. Hé, dis, elle essayerait pas d'acheter mon silence des fois ? En plus je les oublie systématiquement les bouteilles, elles sont toutes dans le grand tiroir du bas, à la limite on pourrait croire que c'est moi l'alcoolique.

Je te passe la phase maniaque où elle danse dans le bureau au son d'un raï endiablé, pour en arriver à la phase dépressive où elle trempe mon épaule de ses fluides corporels en hurlant qu'elle est un boulet pour l'humanité (un boulet, certes, mais un boulet lucide, faut reconnaître). Bon ben du coup, comment tu veux que je blogue moi dans ces conditions ? dès que j'ai cinq minutes, je taffe.

Hier, elle arrive vers moi de toute sa masse corporelle, le visage décomposé, les bras ouverts pour que je l'enserre d'une accolade rassurante selon le petit rituel du Non Jeff t'es pas tout seul...Mais va savoir ce qui me passe par la tête, l'envie de mettre un peu de piment dans notre atmosphère délétère, le souci de conserver propres mes cheveux fraîchement shampooinés (tu peux pas acheter des mouchoirs nom d'un chien !), que sais-je encore, toujours est-il que je me raidis tout en énonçant : Tu sais, collègue kabyle, il faudrait que tu arrêtes de boire, ça peut plus durer là...

Immédiatement, les larmes cessent de couler, elle est la stupéfaction incarnée (ou alors elle imite vachement bien) : Mais tu sais ?! comment tu sais ? et y en a d'autres que toi qui savent ? t'en as parlé ? à qui ? quand ? qu'est-ce qu'ils ont dit ? Ouh la, on se calme. Évidemment j'en ai parlé, eh oh tu crois que je fais quoi sur le divan, déjà tu m'empêches de bosser mais en plus tu parasites mon analyse, alors ça va bien hein. Et puis faut bien que je relâche, de temps en temps, que je m'épanche, auprès de personnes de confiance, que je vide mon sac, parce que t'es vraiment un boulet ma pauvre, t'es la première à le dire. Bon ça c'est ce que je pense in petto, et tu sais bien que la parole est beaucoup plus lente, heureusement...Du coup verbalement ça donne : Les gens sont pas bêtes...si je m'en suis aperçue, je suppose qu'eux également, parce que ça se voit, tout simplement. Leçon n°1 : montrer à l'alcoolique qu'on n'est pas dupe, que son manège dissimulateur ne trompe personne. Ceci afin de le confronter à la réalité et tenter (eh ben bon courage) de lui faire admettre le problème.

Réaction : elle appelle son alcoologue. Pas de réponse. Crise de larmes. Je propose de l'accompagner à l'infirmerie. Elle accepte. Mais l'alcoologue rappelle. Incapable de lui parler, elle me le passe. Euh bonjour euh ben je suis une collègue hein et bon (chuchotements) elle est complètement bourrée là, mais rétamée de chez rétamée (oui parce que, pendant la discussion elle a descendu son mug cul sec, et figure-toi que ça sentait plus la vodka-orange que le thé au jasmin) alors bon ben rappelez plus tard ok ? on fait comme ça ? allez au revoir. Coup de fil au mari pour lui avouer la rechute. Et c'est là que je me dis que c'est pas gagné, vu qu'elle annonce deux jours alors que ça fait bien deux mois qu'elle est dans cet état. M'est avis qu'elle est pas tout à fait prête à avancer pour de bon. Mais ça se débloque gentiment, allez on y croit. J'ai droit aussi au mari, vu qu'elle s'allonge par terre les bras en croix (la tête lui tourne à la choupinette) : ne t'inquiète pas mari, elle est pas en train de mettre fin à ses jours, all is under control, je l'emmène à l'infirmerie et je te tiens au courant.

Le trajet jusqu'à l'infirmerie a vraiment été une partie de rigolade, j'te jure, elle tanguait comme un bateau ivre, j'ai eu peur qu'elle gerbe dans les escaliers et on s'est arrêté dix fois pour qu'elle se mouche dans mon cou (ah bordel beurk). On aurait presque pu chanter des chansons paillardes. Elle est prise en charge par le corps médical. Et moi, enfin, je respire.

Je respire tellement bien que j'ai comme des bouffées d'amour pour elle. Ben oui, on s'est toujours bien entendu, elle a pas une histoire facile, elle est cultivée, engagée du côté que j'aime, intéressante, drôle, chaleureuse...C'est marrant comme le jugement se reforme dès qu'on est "débarrassé" des gens. Prends les morts. On en dit jamais du mal, t'as remarqué ?

lundi 24 septembre 2007

Homme, sweet homme

Je suis revenue dans mon quartier.

Non mais pas définitivement hein. Hélas. Enfin je tiens pas spécialement à y habiter à nouveau. Juste, à défaut de les regagner, si je pouvais en avoir, des pénates, ben tu vois, je dirais pas non. Mais c'est une autre histoire dont tu sauras le fin mot en temps et en heure.

Là samedi, je me dirige tranquillement vers le nouveau bar. Je marche sur l'allée centrale du boulevard, comme avant. Au niveau du bar en bas, j'ai une pensée pour tu sais qui mais je regarde droit devant. Je sens qu'on court derrière moi tandis que le téléphone vibre dans ma poche et que je franchis le seuil du tabac. Tout en décrochant je tourne la tête : le charmant charmeur chilien coureur m'attend dehors, ce qui me fait rire dans le téléphone où mon pote s'inquiète de l'heure du rencard et du coup je montre deux doigts au commerçant, qui me fournit aussi sec deux paquets de ma marque favorite. Ah c'est bien, le quartier, on n'a pas besoin de parler pour se comprendre.

Le charmant et moi, on est content de cet heureux hasard, du coup on danse une ronde de la joie ; il dit que ça lui manque de plus entendre mes conneries (oui, je suis très forte en conneries diverses et variées) (mais lui aussi) ; et puis qu'on s'était promis une nuit d'amour mais que je fais rien qu'à dire non ou à pas répondre, alors quand est-ce qu'on se voit ? Ben voilà on s'est vu, que je dis (championne du monde de la connerie crois-moi). Non mais pas comme ça. Ouais mais là je vais au nouveau bar, c'est l'anniversaire du Chanteur et il joue avec son groupe, ça va déchirer. Oui, il sait mais il peut pas y aller, il mixe sur une péniche ce soir. Alors on verra bien ce que la vie nous réserve, je conclue. En tout cas moi je me réserve, qu'il ajoute. Mais viens avec moi, avant qu'on boive un verre, j'ai laissé ma porte ouverte...Ah ah ah, je suis pas analyste mais je me marre.

Au nouveau bar c'est la joie et le bonheur. Y a même la grande dame. On chante et on danse. Le patron paye des coups. Et à la fin on se sustente d'une excellente chorba que c'est pas parce qu'on fait pas ramadan qu'il faut se priver.

lundi 17 septembre 2007

"Dans un mois, dans un an"

C'est dingue comme le temps passe vite. (Oui j'en ai plein comme ça) (attends, laisse-moi réfléchir, oui tiens : on serait mieux en vacances) (ou alors : mouais, ça va comme un lundi) (mon préféré : mais dans quel monde on vit ?) Bien entendu, si tu te trouves présentement en prison ou en maison de retraite, je suis pas sûre d'emporter ta conviction. Mais moi, du fait que je tiens ce blog depuis...ben en fait je sais pas combien vu que j'ai pas compté et que j'ai pas les archives sous la main pour vérifier...mais peu importe...eh bien disons que j'ai des repères temporels liés à cette activité n'est-ce pas ? Je crois que je suis pas claire du tout, c'est pas grave t'as qu'à lire en diagonale.

Parce que le blog, bon ça dépend ce que tu y mets évidemment, si t'exposes les photos de ton voyage au bout de la nuit ou tes mille et une recettes pour accommoder les restes de la semaine passée, non, là ça marche pas vraiment. En revanche, si tu racontes ta vie comme, au hasard, moi...alors là, tu traverses les saisons n'est-ce pas...et en principe, ça suit son cours cyclique, les saisons reviennent ainsi que les événements y afférents. Je dis bien en principe hein, parce que des fois...sans vouloir être vulgaire, avec ce putain d'été pourri là (t'y crois que je suis presque pas bronzée ?)...ouais bon, mauvais exemple les saisons ok. Faut faire gaffe t'as vu, y a des pièges. Le coup des tournois par exemple, méfie-toi mon ami. Le foot a fait place au rugby. Même le mois de Ramadan ça tombe jamais pareil. Ah c'est pas simple...Mais on va y arriver. Prends Noël, la teuf. Ça oui, ça revient tous les ans le même jour. Ou alors, plus simple, ton anniversaire. Bien.

Ce genre d'occasion permet de faire des bilans, de mesurer le chemin parcouru, tout ça. Et aujourd'hui vois-tu, je me revois parfaitement, l'année dernière à la même époque, te rendre compte d'un week-end particulier. J'ai du mal à réaliser tellement j'ai l'impression que c'est encore tout proche. Franchement l'évolution (non parce qu'on va quand même pas s'avancer au point de parler de progression) l'évolution, j'insiste, est flagrante. À l'époque, pas bien stabilisée sentimentalement parlant, je misais sur un charmant charmeur chilien en pensant que la voie monamour s'avèrerait sans issue...alors qu'aujourd'hui je me suis engagée...à rien, attention, commence pas à me stresser...je me suis engagée, à rien donc, mais avec (nuance) ce même monamour. Tu m'aurais demandé : mais ça fait combien de temps ce week-end particulier ? (enfin bon, t'as remarqué que tous mes week-ends sont particuliers bien sûr, c'est façon de parler), tu m'aurais demandé, mais jamais de la vie j'aurais estimé le temps écoulé à 1 an, jamais de la vie. Et pourtant si. Déjà 12 mois.

Enfin c'est pas tout ça, il est peut-être temps de te révéler c'est quoi donc que je te racontais l'année dernière, qui s'est renouvelé récemment et qui déclenche cette prise de conscience. C'est quoi donc donc ? Il s'agit, camarade, de la Fête de l'Huma (ah ben chacun ses repères, que veux-tu). Comme je voudrais pas en faire un marronnier, je ne t'en dirai pas grand-chose. Pour pas trop te souler, j'aimerais mieux, à la manière de Grand corps malade, "m'arrêter d'un coup sec", sauf que bien sûr j'ai pas son talent, excuse-moi par avance si je précise quand même que les Ogres de Barback m'ont enchantée sur toute la ligne, notamment la dernière, en reprenant, de nos chers Bérus, le Salut à toi.

mercredi 5 septembre 2007

"Mon grand appartement"

Les cartons faits, normalement tu peux déménager. Sauf que là tout de suite, de par les fonctions d'agent secret de monamour...bon tu le répètes pas mais ouais, monamour il est agent secret, et franchement le commun des mortels se rend pas compte de ce que ça représente. Enfin moi, en tant que mortelle assez commune, si, hein, je vois à peu près. Disons qu'au niveau de la disponibilité, c'est plutôt flexible. D'ailleurs faudrait peut-être que je me demande pourquoi je m'attache toujours à des gars dans ce genre (oui ben ça va hein, j'ai des pistes, pas la peine de faire ton malin). Tu vois, le gars qui rentre du bureau tous les soirs à 19h30, qui s'installe avec un whisky devant le JT, qui prend un bain moussant d'une durée approximative longue, qui décide de confectionner des lasagnes ricotta-épinards en écoutant un concert de Pau Casals ? Eh ben pas du tout ce genre-là. Non, flexibilité je te dis. Le gars souple quoi (pour ta plus grande satisfaction, soit dit en passant). Qui peut jamais prévoir de quoi demain sera fait, car qui le peut hein ? qui ? Non parce que, je sais pas si t'es au courant, mais les lasagnes aux légumes du soleil, si t'as pas un peu anticipé l'achat des ingrédients, c'est pas à minuit que tu vas trouver une épicerie ouverte, surtout si on est lundi. Alors y a des fois oui, y a des fois non. Et là où c'est original c'est qu'il est même pas normand, tu vas pas le croire, il est antillais. Mais ça n'a rien à voir. Toujours est-il que ça facilite pas la recherche d'un logement.

Ah oui, enfin je veux dire ah non, on n'a pas perdu de vue l'objectif qui est, je te le rappelle, vivre ensemble dans un petit nid d'amour douillet. Mais là les circonstances sont pas favorables au niveau du dégagement de temps en vue de visitation (sache que trouver un logement, c'est mystique). Alors, puisque c'est ainsi, tes cartons, tu les mets dans un garde-meubles. Et après tu squattes un appartement dont le propriétaire est en vacances. Personnellement dans l'idéal, j'aurais choisi un autre quartier, car l'ouest parisien, je sais pas j'aime pas (lien de cause à effet, car finalement, à l'usage, c'est pas si mal, plus je connais, plus j'apprécie, à part les bars, qui laissent tellement à désirer que je les fréquente pas. Enfin bon, c'est pas dans ces quartiers qu'on fait la teuf, je ne t'apprends rien). Et puis quand on te propose, temporairement soit, mais t'en connais beaucoup des choses éternelles toi peut-être ? à part les neiges, et encore, on se foutrait de notre gueule que ça m'étonnerait pas...quand on te propose un appartement libre d'une superficie de 100 mètres carré juste pour toi et tonamour, tu dis oui. Ou alors tu te démerdes. On a dit oui. Et c'est pas désagréable la vue sur la tour Eiffel (dans cet immeuble, les étages ont deux chiffres, enfin sauf les premiers, sois pas stupide, et celui où je loge commence par un 2...), regarde elle a la tête dans les nuages, ah elle clignote, oh elle s'éteint. Et tous ces endroits spécifiquement dédiés à des activités particulières (redondance lourde afin que tu comprennes bien que y a l'endroit où tu cuisines, celui où tu manges, celui où tu dors, celui où tu lis, celui où tu bois l'apéro...Ouais ben j'ai pas l'habitude moi), sans parler de la diversité du décor pour les jeux sexuels en tous genres, ni des méga-teufs que tu peux organiser là-dedans...Autant te dire qu'on s'habitue vite à cette débauche (non d'accord je sais, ça c'est pas nouveau, laisse-moi finir quand même) de luxe (merci).

Toute bonne chose ayant une fin (alors les neiges, hein, qu'on arrête cinq minutes), le propriétaire va revenir, un jour ou l'autre mais prochainement. Cela dit, on a un plan B, dont je te parlerai en temps et en heure. Afin que je puisse conclure de façon originale et tellement drôle, il te suffit pour l'instant de savoir que ce sera un autre appartement squatté. Bien. Allons-y. Attention les yeux (la réverbération, ça je veux bien, ok. Mais déjà faut du soleil, et le soleil ça fait fondre les neiges si tu vois ce que je veux dire...). Je suis donc sans domicile fixe, on est bien d'accord ? Alors bon, comment dire, vous auriez pas un petit deux-pièces, m'sieurs-dames ? c'est pour vivre.