Comme prévu je t'en parle pas tout de suite. En attendant faut bien reconnaître que tout le monde me fait la fête en frétillant de la queue (couché j'ai dit) (en chien de fusil, si tu veux).
Avant de partir mon agenda était blindé par les amis à qui je voulais dire au revoir. Maintenant que je suis revenue, il est blindé par les mêmes qui veulent que je leur raconte. Et puis y a mon pote qui remet sur le tapis l'idée selon laquelle pour le même prix on aurait un appart beaucoup plus grand et ec serait chez nous. Une coloc, t'as tout compris. Ben moi je suis d'accord. Après, la semaine passe et figure-toi que monamour squatte chez moi tous les jours. Tu m'en vois ravie.
J'ai comme l'impression que le retour, je me le suis pris en pleine face lors de la soirée d'hier. Au nouveau bar y a un concert, ils ont augmenté le prix des consos pour l'occasion (sauf pour les habitués, attends, tu crois quand même pas que je vais payer cinq euros la pinte de bière ? et puis quoi encore ? déjà qu'y avait pas de cacahuètes...) (tu me reconnais là ? Bon j'ai pas trop changé non plus) et j'entends Tiens une revenante !...Ah t'es de retour ! Et le patron : Alors la vacancière, le pays va bien ? En moins de temps qu'il n'en faut pour changer un fût, je suis légèrement pompette vu que j'ai plus l'habitude.
À côté de moi sur la banquette, monamour. En face mon pote. Et là la prise de conscience est sans appel. La relation que j'entretiens avec monamour aujourd'hui n'est pas transposable dans une coloc. J'ai pas envie d'imposer ça à mon pote ; j'ai pas non plus envie de me contraindre vis-à-vis de monamour. Bon ben m'est avis que c'est pas demain la veille que je quitte le quartier.
Puis je reçois un SMS de l'Écrivain qui a des choses à me faire lire. Ça tu vois c'est une excellente nouvelle (d'accord j'en sais rien je l'ai pas encore lue). Et des SMS du Chanteur. Pas celui sur scène non, celui dans la salle, celui-là même qui gère la programmation musicale du lieu, celui que son groupe il est bon, celui que la première fois qu'on s'est vu nos regards se sont bien entendus, celui qui me fait de l'oeil depuis un peu longtemps mais toujours dans le respect des forces en présence. Et ce soir il balance du SMS : Si je te regarde...c'est juste parce que j'aime te regarder...Alors je réponds un truc comme quoi moi je vais peut-être arrêter de soutenir son regard, avec un jeu de mot trop drôle où je case le nom de son groupe. Ah non, j'hésitais même à te demander de me kidnapper, alors n'arrête pas Puis : Je vais me mettre en évidence
Eh non. Une inspiration comme ça, du plomb dans la tête, que sais-je...je pense qu'il vaut mieux que j'évite de me disperser. Devenir raisonnable, cette idée folle me semble bonne. C'est ce moment que choisit le charmant charmeur chilien pour débarquer. Sur la terre de mes ancêtres, après un message pour fêter Valentin, j'avais reçu : Kan eske tu rentres !? Tu me mank !!! J'avais pas répondu. Depuis mon retour je sais bien qu'on va se croiser un jour ou l'autre, que c'est pas correct ce silence radio...En même temps je me vois mal envoyer un message du style : je suis rentrée mais je veux pas te voir. Je veux pas non plus téléphoner (peur du dérapage ?). Bref, Ada dans toute la splendeur de sa lâcheté. Et là, tandis que je bizoute monamour, il débarque, nous salue, se pose au comptoir et m'envoie : Té akompagnée, jvé pas tembété. Bonne soirée ! Jsuis heureux de t'avoir croizé.
À 8h29 ce matin, je ne réponds pas au numéro privé. Mais j'écoute le message. C'est l'extrait d'une chanson qu'on kiffe tous les deux, ça dit ♫ sometimes I feel so happy...sometimes I feel so sad...sometimes I feel so happy, but mostly you just make me mad, baby you just make me mad ♫
Imagine deux secondes la situation inverse. Tu crois que j'aurais aimé ? Tu crois que j'aurais eu cette réaction ? J'en sais rien...Mais j'ai beau me chercher des excuses, j'en trouve pas. et c'est pas glorieux, on est bien d'accord.
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