jeudi 5 juillet 2007

Un gars, une pute

J'avais pas prévu de revenir te voir si tôt, mais là attention, va pas croire qu'il se passe des trucs de ouf genre des événements notables que je brûlerais de te confier, non, pas du tout en fait. J'irai pas jusqu'à dire que ça suit son cours tranquillement (non quand même pas, j'ai pas trop envie de passer pour l'incarnation de la loose non plus, genre la routine et tout, ouh comme c'est vilain, attends, ma vie à moi elle trépide) mais bon, ce que je veux te dire, c'est que ce matin, sur le chemin du taff (et voilà, merci hein, franchement depuis le temps qu'on se connaît toi et moi, je te dis Ce matin sur le chemin du taff, et faut que j'insiste pour que tu percutes, bonjour les encouragements...Degré 3 sur l'échelle des arrivées, un peu de respect ok ?), je marchais sur une voie pavée et tu sais comment c'est, la vie elle trépide, comme convenu ci-dessus, et les pensées elles vagabondent (solitaires comme des clochards célestes) (ah ça nous rajeunit pas tout ça ouh la, c'était le temps où tu voulais gravir la Sainte-Victoire avec un paquet de cacahuètes en guise d'énergie et de la weed en pagaille) (et puis tu t'aperçois que ta montagne là franchement elle est naine et les cacahuètes quand t'es en pleine croissance c'est un peu léger, surtout quand y a pas de bière, mais n'empêche j'suis une beatnik dans ma tête)

Bon écoute si je vais pas à la ligne on s'en sortira pas. Ce matin donc j'ai pensé à quelqu'un à qui je pense jamais, le genre de personne dont tu te dis Ah oui c'est vrai qu'elle existe celle-ci et d'un seul coup, comme si j'avais trempé une tartine dégoulinante de confiture dans un chocolat fumant, tout s'est désencombray (je peux t'expliquer, à nouveau, mais après je te fais une bibliographie pour les vacances), et bim je te présente "La pute".

La pute, c'est son nom hein, pas sa profession, j'y suis pour rien, on m'a dit Elle c'est une pute, j'ai fait comme on m'a dit. Un petit chef. À l'époque où j'étais en relation hiérarchique avec elle, j'étais jeune, j'avais un boulot de merde (aujourd'hui t'imagines même pas comment j'ai évolué. Patronne du camping Ada, attends) mais j'avais une vie qui trépidait tu vois, comme d'hab, des hommes par milliers etc. Tandis que la pute, elle était déjà vieille et toute moche, et son mari aussi, en plus elle l'aimait plus, ça se voyait trop qu'elle en était au degré zéro de la vie. Et quand on en est là, on devient aigri, normal.

Bon moi au début elle m'aimait bien surtout qu'il y avait eu une grande grève et qu'on se retrouvait souvent au piquet, genre on est tous des frères en lutte tout ça tout ça. Ouais ouais. Juste elle gagnait trois fois plus que moi et y avait la lumière du jour dans son bureau, à elle. Et elle se la jouait condescendante, comme quoi elle était pas payée pour faire le sale boulot, contrairement à moi. Mais à part ça elle était solidaire. La pute.

Mon bureau du trente-sixième sous-sol, je le partageais avec un gars : délégué syndical à mi-temps, glandeur l'autre moitié (enfin si, il lisait la presse quand même). Bon. Il se trouve que le gars en question est tombé fou amoureux de moi. Un mec normal quoi. Jusqu'à ce que ça devienne relou de trouver des mots d'amour et de désespoir partout, on a réussi à bien s'entendre.

Un jour où j'étais seule, la pute débarque et commence à me reprocher un truc. Je te passe les détails mais sache que j'étais parfaitement innocente car je travaillais consciencieusement (non mais à l'époque j'avais un toxicomane à charge aussi, alors boulot de merde peut-être, mais boulot. Cosette m'a un peu copiée) (oh ça va détends-toi, je te rappelle juste à quel point ma vie trépide). D'habitude ces accès d'aigreur à la pute, ils me passaient largement au-dessus (bon sauf la fois où elle avait dit : oh là, moi je suis propriétaire mais jamais de la vie je louerai à des asiatiques, ça pue trop quand ils font à manger). Cette fois, j'étais mal lunée, j'en avais marre, va savoir, je me mets à gueuler plus fort qu'elle. Peu impressionnée par ma tentative de rebellion, elle renchérit c'te sale pute. Ben moi aussi, y a pas de raison. Je me disais même Dis donc Ada, de mémoire comme ça, il semble que tu n'aies jamais gueulé aussi fort. Mais ça me soulageait pas trop et ça la calmait même pas l'aut' vieille pute. Alors je suis passée au cran supérieur. J'ai été à deux doigts de la taper. Je t'assure. C'est à moi que ça a fait le plus peur mais comme elle était pas dans ma tête, elle pouvait pas deviner, elle s'est arrêté net.

Le lendemain elle organise une fouille de mon bureau (ah oui moi aussi j'ai halluciné) (non mais c'est ça les mal-baisés, quand y a un sens qui travaille plus, les autres se développent et niveau connerie elle cartonnait). Je suis fortement incitée à balancer le gars amoureux (bravo Hercule Poirot, tu avais trouvé le coupable, quelle perspicacité), mais chacun son taff hein, si t'as peur du délégué syndical, c'est pas mon problème, tu te démerdes, j'ai rien à déclarer, moi je suis au top sur le contexte géopolitique international grâce à lui, je vais pas me plaindre. Plus tard elle fait son mea culpa (tu noteras qu'à aucun moment elle n'a parlé de mes esquisses de menaces physiques) mais c'est bon, moi je m'arrache dans un service plus accueillant, parce qu'entre un gars amoureux et une pute, ça commence à faire trop pour moi. Aujourd'hui elle est à la retraite et peut-être elle a les oreilles qui sifflent mais c'est rien à côté de ce qu'elle a failli prendre.

5 commentaires:

Anonyme a dit…

Comme fin je m'attendais à "elle s'appelait Nicolas Sarkozy". Mais je suis nul pour deviner les fins, il faut dire

Hélène a dit…

Je suis la mère de Yohan Lavigne et je lance un appel à ceux qui voudraient signer la pétition pour éclaircir la mort d’un jeune homme de vingt ans. Car l’on prétend un suicide par pendaison, alors que son corps ne porte que des traces de coups. Puis sur la soit disant lettre d’Adieu, il y a une autre écriture que celle de Yohan, certifié par analyse graphologique. Et l’on a voulu faire incinérer mon fils en usurpant mon identité. Je ne veux que la vérité et si vous voulez m’aider à l’obtenir grâce à une vraie enquête, ne serait ce que pour ne pas prendre le risque de laisser des assassins en liberté, alors signez la pétition qui se trouve en bas de page ou ce lien vous amène. Je voulais vous dire qu’il arrive rarement mais cela arrive, que le mail pour la confirmation de votre signature arrive dans votre boite de réception, mais dans votre courrier indésirable ou un nom similaire et vous pouvez confirmer sans souci. merci. helenebourt@hotmail.fr

Thehush a dit…

La fouille dans le bureau, c'est pas mal ca :)
Elle est balèze celle là, bon en effet tu as bien fait de te retenir de la frapper quoique ca aurait pu être sympa, en la raccompagnant à la porte de ton bureau, tu posais une cuvette remplie d'eau (oui ca peut très bien trainer là par inadvertance)
Au moment où! Tadam, elle passe, hop elle met son pied dedans (c'est ballot) Toi par le plus malencontreux des hazards, tu fais tomber cette fichu lampe dont le fil est tailladé de partout dans la cuvette... Hop, te voilà tranquille.
Pour finir, tu peux refermer la porte, sur ces doigts, ca va de soit. :)

Et surtout avec le sourire, c'est important... ;)

Anonyme a dit…

quelle surprise! je pensais que t'avais arrêté en plus ce portrait au vitriol de la pute était un bel exercice bel été a toi ada ;-) que ta vie continue à trépider

Anonyme a dit…

Ah ben didonc, quand même...
Pourquoi des fois on se retient ?